Droit au silence et procédure disciplinaire
Le droit de se taire reconnu pour les agents publics
D’ores et déjà invoqué devant la juridiction administrative par plusieurs avocats d’agents publics (CAA Paris, 2 avril 2024, GHU Paris Psychiatrie, n° 22PA03578) le droit de se taire a été reconnu par le Conseil constitutionnel au bénéfice des agents publics concernés par une procédure disciplinaire (CC, 4 octobre 2024, n° 2024-1105 QPC).
Limites du droit au silence lors des enquêtes administratives
Néanmoins, ce droit au silence des agents publics ne semble pouvoir s’appliquer pour l’heure qu’à la séance du conseil de discipline, dès lors qu’il a été jugé par la Cour d’appel de PARIS :
« qu’un agent ne peut contester la sanction dont il a fait l’objet en se prévalant de l’irrégularité de l’enquête administrative préalable en ce qu’elle ne l’informe pas du droit qu’il a de se taire, dès lors que les conditions dans lesquelles une enquête administrative est diligentée au sujet de faits susceptibles de donner ultérieurement lieu à l’engagement d’une procédure disciplinaire sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la régularité de cette procédure. ». (CAA Paris 23PA03210 du 23.10.2024).
Ainsi, durant l’enquête administrative, si l’agent public reste libre de ne pas répondre aux questions posées par les enquêteurs, il ne dispose néanmoins pas d’un droit à se voir notifier son droit au silence.
Le droit au silence lors d’un entretien disciplinaire
Dans la même veine, se pose encore la question du droit au silence de l’agent public au cours d’un entretien disciplinaire, particulièrement dans le cadre des sanctions du premier groupe. En effet, les sanctions du premier groupe n’imposent pas la saisine du Conseil de discipline pour être régulièrement prononcées. L’autorité disciplinaire peut dès lors se contenter d’un entretien disciplinaire pour recevoir les explications de l’agent. Elle n’en a cependant pas l’obligation. Au cours de cet entretien, l’agent peut choisir de ne pas s’exprimer, sans néanmoins qu’il n’existe, là encore, un droit à se voir notifier son droit à conserver le silence pour ne pas s’auto incriminer.
Importance des premières démarches disciplinaires
Face a un pareil dispositif législatif, le droit de se taire de l’agent public n’est en réalité pas véritablement garantie dès lors qu’il peut formuler des aveux ou des propos incriminants antérieurement à la tenue de la séance du conseil de discipline.
En réalité, ce sont les premières démarches entreprises par l’autorité disciplinaire qui doivent faire l’objet d’un examen minutieux de l’agent et de son avocat sur l’opportunité de se taire ou non, et de conserver par la suite ce silence au cours de la séance du Conseil de discipline.
Communication incomplète des témoignages : un risque pour la défense
La communication à un agent faisant l’objet d’une procédure disciplinaire à l’issue de laquelle il a été sanctionné, des seuls extraits de témoignages reproduits dans un rapport d’inspection, alors que la procédure a été engagée au vu de ce rapport et de « témoignages concordants », ne suffit pas à garantir les droits de la défense, dès lors que la sanction est fondée sur l’ensemble des témoignages.
Ainsi, faute que l’intégralité de ces témoignages, qu’il appartenait à l’administration d’anonymiser, s’agissant de témoignages d’élèves sur leur professeur, en fonction de son appréciation du risque de préjudice pour ceux-ci, lui aient été communiqués, l’agent a été privé de la garantie d’assurer utilement sa défense.
CE 462455 du 22.12.2023
L’exercice d’une activité rémunérée dans le secteur privé durant cinq ans, sans autorisation préalable de l’employeur, alors que l’agent était absent de son poste pour raisons médicales, tout en percevant des prestations de Pole Emploi, de la CAF et de la mutuelle complémentaire de la collectivité, justifie la révocation de l’intéressé.
Les circonstances que ce dernier ait pris conscience de ses manquements, qu’il est impliqué dans ses fonctions, qu’il rencontre des difficultés financières liées notamment à son divorce, à une situation de surendettement, à son état de santé et à des pertes de rémunération subies à la suite de son accident de service, qu’il aurait été expulsé de son logement, et qu’il ignorait les démarches qui auraient pu lui permettre de bénéficier régulièrement d’un tel cumul, ne suffisent pas à établir que la sanction serait disproportionnée, eu égard à la gravité et à la durée des faits reprochés.
TA Paris 2223569 du 02.10.2024
Enregistrements non autorisés : un manquement aux principes
La pratique irréfléchie et maladroite d’un agent consistant à enregistrer les personnes de son entourage sans leur autorisation, est constitutive d’un manquement au regard des principes de dignité, de loyauté et de probité, quand bien même les enregistrements audios n’auraient pas été utilisés par l’intéressé dans l’intention de nuire à l’intérêt du service et/ou à ses collègues.
TA Clermont-Ferrand 2101772 du 03.05.2024